MURMURES

Avec sa création de 1997, Murmures, Olga de Soto s’offre, lointaine et proche, aseptisée et humaine, froide et désirable, au public, qui ne peut qu’être surpris et ému par cette franchise à fleur de peau. Invisiblement nue sous sa robe, par les petits glissements imperceptibles qu’inscrit dans sa chair l’activité de ses muscles, elle exhibe les dessous d’une humanité virevoltante, trop souvent bafouée par le principe de réalité. Dans ces moments de vérité ainsi circonscrits, brisés seulement par les déchirures que lui imprime la clarinette, le corps de la danseuse crée un basculement subtil et incessant, où l’intimité se donne et se dérobe, s’exhibe et se masque, dans une inaccessibilité porteuse de promesses à conquérir.

Jean-Marc Lachaud, Skênê n° 2-3, Mélange des Arts — Arts du spectacle, Le corps : exhibition / révélation (FR), 1998

 

Si le geste est irradiant de simplicité et d'évidence, c'est qu'il ne naît pas du concept. Il semble, bien au contraire, s'échapper du corps pour fouiller, dans des singulières abstractions sensuelles, les résonances inouïes des sens qu'il peut produire.

Francis Cossu, L'été des Hivernales (2/4) : Olga de Soto, La Marseillaise (FR), 19 Juillet 1998

 

La danseuse est pieds nus, vêtue d'une robe simple et ample, sans ceinture ni agrafe. Ses gestes sont lents, parfois presque figés ; par moment elle se tend comme un arc, le doigt obliquement tendu vers le ciel. Tout cela serait banal s'il n'y avait une intensité aiguë qui n'est pas seulement due à l'indolence tendue de l'interprète et à l'arrogance du hautbois. D'où cela provient-il ? De ce que le corps murmure. Olga de Soto, sous ou avec sa robe, semble nue. Et ce qui est à "voir", c'est le babil de son corps nu, le chuchotis de sa nudité, le marmonnement de sa peau et de ses muscles.

Vêtue de nu, Jean-Jacques Delfour, CASSANDRE : Culture(s), Politique(s) et Société(s) No. 18 (FR), Septembre-Octobre, 1997

 

Une très longue perche a été suspendue, qui flotte doucement, avec une silencieuse majesté, au-dessus de la scène. La danseuse s'allonge sur le dos, reste immobile, tandis qu'à l'image d'une gigantesque aiguille d'horloge, la perche effectue un très lent mouvement de rotation. La rencontre entre cette précision dans l'indication, et cette incertitude suspendue du sens, est sidérante. Puis Olga de Soto retrouve la position verticale, mais la casse doucement par des positions en segments et lignes brisées. Et là, par un mystère de danse qui lui est propre, ses figures échappent au rectiligne qu'on attendrait, pour inscrire de sobres lignes courbes, par des déséquilibres doux, des translations du bassin, des déhanchés tranquilles. Absolument tenu, ce corps s'échappe.

Gérard Mayen, Espaces transgressifs, Mouvement (FR), Mars 2004

 

Le moment de grâce de cet "été des Hivernales" nous a été procuré par Olga de Soto, une danseuse espagnole établie en Belgique. Qu'elle évolue seule ou en duo (avec Pascale Gigon), son langage, très pur, est un frémissement dans la pénombre, le bruissement de la vie. Ses choix musicaux (des compositeurs contemporains comme Salvatore Sciarrino ou Denis Pousseur) sont d'une rare qualité.

Emmanuèle Rüegger, Les Hivernales d'été, Ballet 2000 n° 43

 

Quant à Olga de Soto, on pourrait la voir et la revoir sans s’épuiser, tant sa danse est musicale. Qu’elle dise un rapport secret dans une quasi-obscurité au plus proche du microscopique, qu’elle éclate en furieux mouvements du bassin sur la musique ravageuse de Frederic Rzewski ou qu’elle murmure solitaire sur une composition de Denis Pousseur, c’est le bonheur. La simplicité alliée au savant.

Marie-Christine Vernay, Le Tour de la danse en un jour, Libération (FR), 24 Juillet 1998

<