© Laurent Lafolie

© Laurent Lafolie

Strumentale est une composition étonnante, dans laquelle la simplicité et la petitesse du geste sont inversement proportionnels à l’ampleur et à la puissance du son. Une seule des quatre cordes de la contrebasse est mise en jeu. Une seule note jouée répétitivement forme le rythme de base de la pièce. Par les différentes pressions, glissements, frottements, rebondissements de l’archet sur la corde, des harmoniques s’additionnent à la note de départ, et donnent naissance à une “mélodie”, qui semble issue de nulle action, simplement projetée du corps de l’instrument, de manière diffuse. Un véritable tissu de notes se forme, résultant de l’action d’une seule main sur une seule corde de la contrebasse.

L’image du contrebassiste exécutant la pièce est aussi étonnante. Partant d’un geste simple et répété du bras droit et de l’archet, le contrebassiste se met presque à faire danser son instrument, le faisant pivoter et se balancer sur son point d’appui pour mieux diffuser les sons dans l’espace dans une sorte de duo intime. Dans cette “danse” les rotations et les balancements amplifient l’image féminine que l’on pourrait avoir de cet instrument, et la présence de ses mouvements lui donne presque vie.

Les yeux fermés le son devient une masse qui voyage. Les yeux ouverts il est un volume qui se dilue dans les mouvements oscillatoires de l’instrument. Quand la main commence à créer les sons de son geste imperceptible, ceux-ci sont presque inexistants, c’est alors que le silence auquel on est appelé dans cet état d’écoute crée un état de concentration qui demeure jusqu’à la fin de la pièce. C’est avec cette notion de silence particulière et respectueuse que nous avons voulu aborder la composition.

Les oscillations de la contrebasse se rapprochent du mouvement de base du duo Winnsboro Cotton Mill Blues. La correspondance avec nos mouvements de hanche nous est apparue très clairement. Nous pourrions alors imaginer que, faisant suite à ce premier duo et par un système de vases communicants, la contrebasse aurait intégré notre danse précédente, et proposerait d’elle-même un autre sens, une dimension différente pour cette nouvelle chorégraphie : son mouvement étant utile à la projection du son dans l’espace. Par rapprochement, nous nous sommes concentré sur la diffusion de la danse dans l’espace scénique, en jouant des différents axes des corps, créant des lignes de tension parallèlement aux directions de l’instrument.

Strumentale est la troisième pièce du programme de pièces courtes Paumes.

Olga de Soto et Pascale Gigon, 1997

<