Aurélie Noirclère
OLGA SAUTE AUX YEUX

Deux femmes aussi puissantes, sensuelles et déterminées qu’elles sont différentes. Olga de Soto et Pascale Gigon, présentaient trois duos impeccables de jouissance et d’interrogations. Les deux premiers, extraits du programme Paumes, basés sur un jeu de synchronie-désynchronie, travaillent sur l’explosion et la propagation dans l’espace du mouvement et du son (et même du silence) : l’une des rares chorégraphes capable de déchiffrer parfaitement une partition pour y inscrire directement le langage du corps (transposition de la musique sur le corps, ou du corps sur la musique…), Olga de Soto travaille dans toutes les directions spatiales et corporelles : tout part d’un centre, le basin-les hanches, qui par la dynamique d’un rythme circulaire (renforcé par le mouvement d’un long tube accroché au-dessus de leurs têtes) génère le mouvement du buste, des bras, de la tête, des cheveux… Alors que le premier duo est lumineusement sensuel, le second s’accomplit dans la pénombre (on devine parfois plus qu’on ne distingue), lutte contre la pesanteur du sol, et la solitude de chaque personnage.

Le troisième duo, Autre, nouvelle création et première pièce du programme anarborescences, poursuit sa recherche sur les langages du corps et des codes. Olga propose indifférement, littéralement et dans tous les sens, cette piècepour deux femmes, ou pour deux hommes, ou encore pour un homme et une femme.

Sur une scène mouchetée de points blancs et devant trois grand panneaux également mouchetés, les deux danseuses, qui ont troqué leurs petitess robes aux couleurs vives contre pantalons et boléros sombres, vont cette fois directement s’affronter : jusqu’alors, elles se mouvaient en parallèle, chacune dans son espace créé par et pour elle. Là, elles s’observent, se jugent, se toisent : elles parcourent la scène sans se quitter des yeux. Jusqu'au choc : alors chacune devient le moteur de l’autre, pour ne plus former qu’un seul corps, qu’une seule dynamique, qu’un seul geste.

Aurélie Noirclere, Olga saute aux yeux, Les Saisons de la Danse, 1999.