Myriam Blœdé
IRRITATION ET PLÉNITUDE À LA GALERIE

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Trois semaines plus tôt, dans la même salle dite « La Galérie » du Théâtre de la Cité Internationale, Iles de danses7 nous offrait la création d’Anarborescences par Olga de Soto. Une danseuse chorégraphe dont le parcours et les préoccupations esthétiques ne sont guère éloignés de ceux de Charmatz. Olga de Soto bénéficie elle aussi d’une formation musicale et chorégraphique – en danse classique, puis contemporaine. Interprète de Michèle Anne De Mey, Claudio Bernardo, Pierre Droulers et Félix Ruckert, elle commence à chorégraphier en 1992. Une série de solos et, à partir de sa rencontre avec la danseuse Pascale Gigon, des duos comme Hontanar, Winnsboro Cotton Mill Blues (1996)8 ou Seuls bruits des corps entre eux (1997).

Également dotée d’un solide bagage théorique, Olga de Sot envisage chacune de ses pièces comme un nouveau terrain d’expérimentation et de questionnement de la danse, basé sur le dialogue et la confrontation avec la musique contemporaine. Elle conçoit l’écriture chorégraphique comme un langage dont les « unités de sens », précisément définies, sont mises à l’épreuve de multiples combinaisons et variations syntaxiques.

Suite chorégraphique, Anarborescences comporte un duo, un quatuor et un solo composés à partir d’une liste de verbes et d’états générés par ces verbes dans leurs « réalisations » corporelles. Cet Autre, par le jeu de l’interprétation (deux dhommes, deux femmes, un homme et une femme, voire un seul danseur) est susceptible d’ « être littéralement “autre“ à chaque représentation », procède d’Assonance iv de Michael Jarrell. … strates multiples, dont le titre est « évolutif », s’appuie sur la notion de « rhizome » dans son sens premier, végétal, mais aussi sur le concept développé par Deleuze et Guattari, et sur la composition Rhizome de Michael Jarrell – enchaînée à deux autres œuvres musicales : Près de Kaija Saariaho et Appendice alla perfezione de Salvatore Sciarrino. Enfin, avec Par une main ou par le vent mais l’air est immobile, magistralement dansé par de Soto sur Canzona di ringraziamento de Sciarrino, il s’agit d’une « analyse intuitive de l’œuvre » musicale, de la traduction chorégraphique immédiate d’une perception « simplement sensorielle 9 », de la composition.

Abstraite, fluide et vivante, très écrite tout en préservant de l’aléatoire, en laissant une part de choix aux danseurs, la danse d’Olga de Soto évoque Merce Cunningham ou Anne Teresa De Keersmaeeker. 

Myriam Bloœdé, Irritation et plénitue à La Galérie, Cassandre N°33 (FR), fév-mars 2000

(7) Festival organisé par Ifob (Ile de France Opéra et Ballet), avec 13 spectacles programmés du 9 novembre au 19 décembre 1999, soit 104 représentations dans 43 villes d’Ile-de-France.

(8) Cf. J.-J. Delfour, « Corps membranes » et « Flammes et femmes », in Cassandre no 18 / sept-oct 1997.

(9) O. de Soto, texte-programme d’Anarborescences, Iles de danses 1999.